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lundi 27 août 2012

La diaspora à l'honneur : Interview de Cheikh Tidiane Kane




« Ceux qui partent pour étudier ne doivent pas oublier pourquoi ils sont partis »




Originaire de Kaolack, Cheikh a fait ses études en France avant de revenir au Sénégal pour se spécialiser dans le web et entreprendre. Il nous livre son témoignage.



Dans quelles circonstances es-tu parti en France ?
Ce n’était pas écrit à l’avance. Je suis un vrai Saloum Saloum, un natif de la ville de Kaolack à laquelle je suis très attaché ! J’y ai effectué toute ma scolarité et en terminale j’ai eu la chance d’être dans une classe où on nous encourageait à faire des préinscriptions dans les universités françaises. J’ai pu m’inscrire à l’Université Louis Pasteur à Strasbourg.

Comment ça s’est passé pour toi là-bas ?
Le début a été vraiment difficile. Ma famille a supporté pas mal de coûts, dont celui du billet. Je n’ai pas eu de bourse, mais seulement une aide de 130 000 FCFA par mois, que l’on ne touche pas tout de suite…. Et puis je suis parti tout seul à Strasbourg, on m’avait dit que je finirai par y croiser des Sénégalais mais je n’en savais trop rien !
J’ai donc pris un vol de la Sabena, nous sommes restés bloqués à l’aéroport de Bruxelles de 5h à 19h, je m’en souviens très bien car il faisait déjà très froid. J’ai rencontré mon premier compatriote dans cet aéroport. J’ai tout de suite su qu’il était sénégalais et suis allé à sa rencontre. Il allait à Strasbourg et a été très sympa, il m’a amené au foyer des modou modou, c’était le début de l’aventure ! Là j’ai rencontré des anciens – Ameth Fall et Fatou Loum – qui m’ont recommandé à un autre étudiant, Ngagne Gueye qui m’a aussi beaucoup aidé en m’hébergeant pendant plusieurs semaines. J’avais été mal orienté – en génie électrique – j’ai du me réorienter et rattraper mon retard au deuxième semestre en maths / info.
Après ça s’est arrangé, j’ai fini par avoir une chambre, puis des petits boulots. J’ai pu ensuite enchaîné avec un IUP et un master au CNAM. Sur la fin de mes études, les petits boulots sont devenus des vrais postes. J'ai d'abord été responsable de la Gestion Electronique des Documents (GED) pour le Cautionnement Mutuel de l'Habitat (groupe Crédit Mutuel). J'ai ensuite fait partie de l'équipe de développement de Euro Information Développement, la holding informatique du même groupe. Si bien qu'à la fin de mes études j'avais en fait déjà deux ans d'expérience dans le domaine de la GED, dans un groupe où je me sentais bien.

Pourquoi alors es tu rentré au Sénégal ?
Vraiment dans mon cas c’était très simple, j’ai toujours su que je rentrerai. C’est vrai que ce n’est pas facile, c’est un choix que beaucoup ne comprennent pas et il ne faut pas croire qu’on nous attend ici les bras ouverts avec nos diplômes étrangers. Beaucoup galèrent pendant plusieurs années à leur retour. Mais je voulais être dans mon pays, près des miens et j’ai toujours pensé qu’il y avait beaucoup de choses à faire au Sénégal.
Lorsque je suis rentré j’ai travaillé dans le web avec Opensys et KITEK dont j'ai été le gérant. Ca a été deux années passionnantes, sur le développement web et la gestion de projets pour des clients comme le ministère de la Fonction Publique et l'Agence pour la Promotion des Investissements au Mali, l'agence de communication Become ou le groupe LVMH qui nous ont confié des projets vraiment intéressants. Actuellement je consacre l'essentiel de mon temps à Xaima, communauté de consommateurs sur le web, un projet qui me tenait vraiment à coeur et que je viens de lancer. (Ndlr : nous t'interrogerons bientôt à ce sujet).
  
Quel conseil donnerais-tu aux Sénégalais qui étudient actuellement à l’extérieur?
Sur la question importante du retour qui est peut être celle que tu as en tête en m’interrogeant, cela me semble difficile de donner un conseil en général, c’est vraiment au cas par cas, selon l’histoire et les projets de chacun. Le conseil qui me semble vraiment important en revanche, c’est de ne pas oublier pourquoi on est parti : pour étudier. J’ai vraiment vu beaucoup de gens se faire prendre au piège des petits boulots, mener une vie assez confortable en privilégiant cela aux études et ne jamais en sortir. J’ai travaillé pendant toutes mes études mais leur ai toujours donné la priorité.